Le whale-watching

Zoom sur l’activité et ses enjeux

Qu’est-ce que le Whale-Watching ?

Une activité écotouristique

Le whale-watching (de l’anglais « whale » = baleine et « to watch » = observer) est une activité touristique commerciale au travers de laquelle des personnes vont observer des baleines et des dauphins dans leur milieu naturel depuis la terre ou à bord d’un bateau. Il constitue une discipline riche et complexe aux enjeux multiples.

Une économie locale

Cette pratique a vu le jour dans le sud de la Californie dans les années 50 et connaît depuis 1990 un développement extrêmement soutenu, le plus important de tout le secteur touristique. Aujourd’hui présente dans plus de 119 nations à travers le monde, elle attire chaque année plus de 13 millions de personnes !

Compte-tenu de cette dynamique, l’observation touristique des cétacés constitue un agent de développement économique important : plus de 2 milliards de dollars de dépenses touristiques dans le monde en 2008 (O’Connor et al. 2009). Cette activité florissante a rapidement et profondément transformé l’économie locale de nombreuses régions où dans les années 2000 la création d’entreprises et d’emplois offrent dorénavant des revenus précieux et parfois indispensables (en Nouvelle Zélande, au Canada et en Afrique du Sud par exemple). La Commission Baleinière Internationale l’encourage d’ailleurs en tant qu’exploitation durable et non létale des cétacés, l’observation de baleines vivantes offrant souvent de meilleures perspectives économiques que leur chasse.

En 2005, en France, l’activité générait plus de 2 000 000 d’euros de dépenses touristiques (calcul prenant en compte les retombées indirectes; Mayol et Beaubrun, 2005). Aujourd’hui, ces recettes ont certainement doublé.

 

Un vecteur de sensibilisation

Pour protéger il faut comprendre, mais comment comprendre sans observer ?
Au-delà des aspects économiques, l’observation des dauphins et baleines est un formidable vecteur d’éducation du public sur la présence, les rôles essentiels et la fragilité de ces animaux. Et plus les communautés locales connaissent « leurs » cétacés, plus l’intérêt qui leur est porté et leur protection sont élevés. Le développement de ce sens identitaire est d’ailleurs à l’origine d’une douzaine de festivals sur le thème de la baleine à travers le monde. Indirectement, ces phénomènes permettent de sensibiliser les politiques et les entreprises privées pour favoriser leur implication. La pérennité d’une activité de whale-watching passe donc en grande partie par la qualité de son aspect éducatif.

Une contribution à la recherche et à la conservation

L’activité se bonifie également au travers de sa contribution à l’acquisition de connaissances relatives aux cétacés, nécessaires pour entreprendre des mesures de conservation adaptées.

Dans la plupart des cas, les groupes de recherche mandatent un scientifique/naturaliste pour animer les excursions en contrepartie de la possibilité de mener une campagne d’étude depuis le bateau de l’opérateur. Pour sa part, la recherche y gagne en possibilité d’investigation et en dispositions logistiques. De leur côté, les opérateurs y trouvent une certaine accréditation.

Quels sont les enjeux liés au whale-watching ?

Concilier activité économique et protection des cétacés

L’activité de whale-watching a connu une forte croissance depuis les années 90 sur le pourtour méditerranéen. Lorsque l’activité est convenablement encadrée, elle peut devenir un formidable vecteur de développement économique, de conservation des cétacés et de formation du public à l’environnement mais plusieurs études montrent également qu’un tel développement, s’il n’est pas raisonné, a pour répercussion de graves atteintes aux individus et aux populations de cétacés. 

Approcher un animal sauvage dans son environnement naturel est toujours intrusif et peut être source de perturbations « à court terme » ou « à long terme » si l’on ne respecte pas certaines règles. De surcroît, la pratique d’un whale-watching non raisonné devient incontestablement alarmante sur des populations numériquement faibles et géographiquement isolées, ce qui est le cas des cachalots et des rorquals communs de Méditerranée par exemple.

Protéger ces super-prédateurs est une nécessité en matière de maintien des équilibres écologiques mais également pour pérenniser une activité économique directement dépendante de leur présence.

Des perturbations à court terme

Les perturbations à court terme se traduisent par des changements comportementaux et physiologiques. Les manifestations de ces dérangements peuvent être claires (cachalot qui plonge pour fuir un bateau par exemple) mais sont très souvent subtiles (changements dans les rythmes de respiration, dans les proportions de surface / plongée, dans les comportements sociaux ou alimentaires, dans les émissions sonores des animaux, etc.). 

En l’absence d’investigations scientifiques, de matériel acoustique et de chronométrages, ces perturbations échappent aux whale-watchers.

La détection et l’interprétation de ces perturbations à court terme sont donc complexes et seul le respect de distances d’approche raisonnable permet de les limiter. C’est pourquoi, dans plusieurs régions du monde, il existe des Codes de bonne conduite pour limiter ces nuisances.

Contrairement à une idée trop largement répandue, l’immensité de la mer et la possibilité de fuir ne permettent aucunement aux cétacés d’échapper à ces perturbations : la mer est grande mais les activités humaines sont partout et les zones propices aux besoins vitaux des cétacés restent limitées dans l’espace. Les animaux ne sont pas répartis sur leurs sites par hasard. Les obliger à changer de secteur provoque clairement des perturbations (densité de nourriture, encadrement de jeunes, etc.).

Quels sont alors les résultantes potentielles à long terme de ces perturbations si elles sont répétées dans le temps ?

Des conséquences à long terme

Plusieurs chercheurs ont approfondi cette question et les résultats sont pour le moins inquiétants. 

Face aux dérangements occasionnés par des approches de mauvaise qualité, les animaux peuvent être amenés à se déplacer vers des sites qui ne répondent plus à leurs besoins en matière d’alimentation, de reproduction ou de repos.

Ensuite, le stress engendré par des approches intrusives est de nature à provoquer des ruptures dans les comportements vitaux ou des modifications dans les routes de migration.

La combinaison de ces phénomènes peut engendrer une diminution des taux de reproduction, une augmentation anormale des dépenses énergétiques (non couverte par les ressources alimentaires) ou encore une plus grande sensibilité aux épidémies.

Il faut ajouter à cela, d’autres atteintes potentielles telles que des lésions auditives liées au bruit des moteurs, des risques pulmonaires dus aux gaz d’échappement, ou encore une augmentation de la mortalité par collisions avec les bateaux.

Ces nuisances à long terme sont susceptibles de mettre en danger les populations concernées, d’autant qu’elles interviennent souvent sur des animaux déjà perturbés par d’autres activités humaines.

Limiter les pratiques non durables

Au-delà de l’observation simple des cétacés, il existe une offre touristique proposant une activité de « nage avec dauphins et baleines ».

Cette activité impose d’approcher les animaux au plus près, et souvent même de les poursuivre, si l’on souhaite les apercevoir sous l’eau, généralement pas plus de quelques secondes. Ce procédé s’oppose à l’arrêté ministériel du 1er juillet 2011, porté à modification par l’arrêté du 3 septembre 2020, qui interdit « la perturbation intentionnelle incluant l’approche des animaux à une distance de moins de 100 mètres dans les aires marines protégées mentionnées à l’article L. 334-1 du code de l’environnement, et la poursuite ou le harcèlement des animaux dans le milieu naturel » de toutes les espèces de cétacés.

Une réalité sanitaire vient également conforter les dangers de cette pratique : plusieurs graves agents pathogènes sont transmissibles entre les deux espèces en cas de contact physique. Quant aux atteintes potentielles sur les cétacés, bien qu’elles soient encore mal connues selon les sites et les espèces, plusieurs études sont suffisamment équivoques pour que le principe de précaution soit mis en avant, d’autant que ces pratiques d’immersion en compagnie des dauphins et baleines grandissent en popularité.

Qui peut garantir que la systématisation d’une activité commerciale de nage avec des dauphins ou des mastodontes tels que les rorquals ou les cachalots est sans danger ?

Sur la base de ces éléments, la communauté scientifique, les différentes entités de gestion d’Aires Marines Protégées ainsi que les Accords Pelagos et ACCOBAMS estiment que la nage avec les cétacés est difficilement compatible avec un concept commercial et durable. C’est pourquoi, le principe de précaution est adopté et l’immersion à proximité de cétacés n’est pas considérée comme compatible avec la notion de “High Quality Whale-Watching®”.

Quelles sont les mesures de conservation ?

L’ACCOBAMS

L’ACCOBAMS est l’Accord sur la Conservation des Cétacés de la Mer Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente. Il encourage ses Etats membres, à travers ses recommandations, à encadrer l’activité de whale-watching pour qu’elle se développe selon de bonnes pratiques. Dans ce cadre, l’ACCOBAMS a déposé en 2014, la marque de distinction « High Quality Whale-Watching® ».

Les Aires Marines Protégées

En France, il existe plus de 540 Aires Marines Protégées dont 70 rien qu’en Méditerranée. La multitude d’actions mise en œuvre localement par ces AMP favorise la présence des cétacés sur nos côtes. La démarche «High Quality Whale-Watching®» est une des actions encouragée par les Aires Marines Protégées de Méditerranée et de Mayotte.

La Méditerranée abrite la plus grande Aire Marine Protégée internationale, située entre la France, Monaco et l’Italie : le Sanctuaire Pelagos.

Le Sanctuaire Pelagos a été créé afin de protéger les mammifères marins et leurs habitats de toutes menaces d’origine anthropique. A l’initiative de l’observation respectueuse des mammifères marins, le Sanctuaire édicte alors une charte : le Code de Bonne Conduite de Méditerranée. Le Sanctuaire Pelagos est la zone pilote pour le déploiement de la distinction « High Quality Whale-Watching® ».

La législation

En France, toutes les espèces de mammifères marins sont strictement protégées par l’arrêté ministériel du 1er juillet 2011, porté à modification par l’arrêté du 3 septembre 2020.

Ce dernier interdit également la perturbation intentionnelle, caractérisée notamment par des approches à moins de 100 mètres dans les aires marines protégées. En juillet 2021, cette interdiction a été étendue à toutes les eaux territoriales de la côte méditerranéenne par un arrêté préfectoral. Tout plaisancier ou professionnel dérogeant à ces réglementations est passible d’une amende pour perturbation intentionnelle.